dimanche 5 juillet 2009

Il Tamarindo

Première critique sur EC'ARTS par Misha Capnist Munich

EC’ART, un artiste, un lieu.

L’envie folle, souvent secrète, de collectionner des œuvres d’art. Un lieu pour débuter une collection, un artiste à connaître. Pendant une exposition « façon contemporaine ».

Expositions AD HOC, dans des lieux AD HOC, pour des artistes AD HOC.
Voici le nouveau concept d’Emmanuel Chaussade (HYPERLINK http://www.aima007.blogspot.com ), mécène réservé et collectionneur érudit, inlassable chercheur d’univers.

Comme dans un jeu, tout se déroule en l’espace de quelques heures, une vitrine unique et exceptionnelle s’ouvre au monde en un lieu inconnu, improvisé, dénuée pour l’occasion de son mobilier habituel, comme à l’occasion du premier happening, le 28 avril dernier.

Pendant l’exposition il me consacre quelques minutes. « L’idée _ dit-il _ naît de ma passion innée pour le partage. Je me demandais ce qui rendait mes amis si curieux à l’idée d’entrer dans l’univers de l’art contemporain et pourquoi ils n’y pénétraient pas en achetant. Peur de se tromper, de se faire pigeonner… ? Proposer des prix attractifs est devenu mon moyen pour faire connaître les univers que j’ai rencontrés et m’ont laissé des traces au plus profond du cœur. Entre un et trois cent euros : à ces prix là l’erreur serait modique ! »
Sourire élégant, sobre dans la tenue et très recherché dans ses jeans, la très classique écharpe du collectionneur-qui-connaît-cependant-la-mode, Emmanuel Chaussade continue dans son pull over sombre, les yeux pleins d’enthousiasme : « Et puis je te dirai : je suis tellement fatigué de ces galeries de toujours : je n’en peux plus de ces murs d’albâtre et cadres noirs, de grands volumes et de lumière tamisée. Je veux pouvoir courir dans Paris à la recherche de mon artiste, et le trouver en un lieu qui le mette en valeur me semblait être une réalité que seuls quelques rares _ très rares _ réussissent à réaliser. Voilà pourquoi « un artiste : un lieu » ; et comme les lieux sont insolites et que je les « emprunte » s’est posée la question de la durée : un après-midi me paraît idéal ! ».

L’artiste Nadia Benbouta (HYPERLINK http://nadiabenbouta.blogspot.com ), une matrone algérienne, ses yeux maquillés ébahis par le monde, écarquillés par sa curiosité et sa créativité investies dans de sempiternels problèmes d’actualité comme le terrorisme, les guerres, les fables, le meurtre ( parmi ses tableaux : le portrait sur tablette magnétique d’un célèbre pédophile condamnés à plusieurs perpétuités ).
Elle discute, Nadia Benbouta, avec les invités et les magna, elle nous guide à travers ses toiles, ses sérigraphies, des miches de pain cuit au four à bois, par la boulangère du dessous, en forme de fusils. Elle explique des citations de Victor Hugo imprimées sur des serviettes en papier achetées au supermarché. Des annonces matrimoniales collectées et découpées au fil d’années de consultation de journaux, certains datant du XIXe siècle. Photocopiées, retranscrites, reproduites sur des cartes de vœux, des myriades de phrases romantiques qui dénoncent l’atroce solitude de l’Homme. Des sérigraphies et des toiles représentant la célèbre Lolo Ferrari arborant ses gigantesques seins, et son numéro de téléphone juste en dessous, évoquent de vieilles publicités de téléphone rose.
Nadia Benbouta, enthousiaste : « L’idée d’Emmanuel, d’exposer dans une ancienne officine reconvertie en restaurant était tout à fait adaptée à ma production artistique qui est hétéroclite, multiple et colorée… comme un bazar.
Pour les œuvres à un euro je me suis arrangée comme j’ai pu : mes serviettes à pic-nic sont numérotées de un à vingt cinq; les armes sont vendues entre les 2€49et les 11€80, le prix d’une bonne miche artisanale !
Pour les tableaux le choix des prix a été plus délicat étant donné que leur prix sur le marché oscille entre les 800 et les 10000€ selon le format. J’ai décidé de mettre tous les oeufs dans le même panier et de couper la poire en deux : 300€ pièce et qu’on n’en parle plus ! »
Elle sourit amusée Nadia Benbouta, les yeux hyper maquillés et plus attentifs à mes regards sur les œuvres qu’à mes questions réellement. On y lit cette appréhension de l’artiste, heureux de s’être exprimé mais dubitatif quant à la véracité de son succès.
À propos d’Emmanuel Chaussade elle dit : « Emmanuel est un précurseur : c’est une personne très intelligente qui comprend parfaitement son époque. Ses sens sont toujours en éveil _ elle rigole en baissant la tête, Nadia Benbouta, elle cligne des yeux, et reprend _ son enthousiasme est délicieusement contagieux, c’est un super coach : quand il m’a parlé de son projet j’ai trouvé l’idée tellement géniale, neuve, un peu décalé et risquée ! Vendre des œuvres ente un et trois cent euros… bon sang, il faut avoir des couilles en béton pour que ça marche ! _ me suis je dit. Mais j’ai trouvé que c’était un risque intelligent et je me suis lancée avec lui. Et ça marche très bien !! On fait de très bonnes ventes et en un peu moins de cinq heures on a presque tout vendu ! »

Nous faisons une pause en buvant un verre de vin, des amis s’approchent de Madame Benbouta, certains sont déjà de ses estimateurs, et elle, en bonne femme du sud, les chouchoute comme il se doit.

« Voilà, par exemple, cette dame blonde, tu la vois ? Elle c’est une estimatrice de longue date, elle suis mon travail depuis l’époque des Beaux Arts et elle vient de me dire qu’elle trouve cette idée géniale : je suis vraiment très contente !! Et puis, en fin de compte, elle trouve des pièces intéressantes, en effet elle fera des affaires. En atelier je suis plus chère… »

Une démocratisation, sinon de l’art, de la pièce unique. Un bouche-à-oreille entre amis et amis d’amis, entre scénographes, acteurs, agents de spectacles, collectionneurs, brokers de banques, grandes héritières, collègues, mécènes, artistes à la recherche de nouveautés ou d’inspiration, vieilles taties modernes avec neveux intelligents.
La nouvelle façon de faire ses propres prestigieuses emplettes. En bonne compagnie, un verre de vin sélectionné avec soin par Emmanuel Chaussade à la main, entre bisous et étreintes, retrouvailles, présentations, cartes de visite, poignées de main, regards attentifs.

Les œuvres s’achètent et sont emballées sur le champ. Qui arrive en premier a le premier choix. Que les derniers non seulement se contentent de ce qui reste, mais qu’ils regrettent aussi de découvrir si peu de l’univers de l’artiste, de ne pas avoir pu explorer les univers parallèles. Ceux qui peuplent les esprits de qui, vivant avec nous, voit le monde différemment.

Que les mondains se gardent de passer par là : pas de nourriture ni de journalisme (à part le Tamarindo), pas de photos ni de tapis rouge. La rencontre est intéressante.

Seul regret : être arrivé trop tard pour profiter de la série complète des quinze toiles représentant la brebis Dolly, et de n’avoir pu en emmener que deux à la maison… mais avec dédicace.

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